SENTIER 2ème partie : DE LA BOURSE À LA PRESSE

Mercredi 12 juin 2013 // ► RUE MONTMARTRE - RUE MONTORGUEIL - SENTIER (2)


Nous repartons de là où s’était arrêtée notre première balade dans le Sentier.

Place des Victoires


9 : Emplacement de l’Hôtel du maréchal de l’Hospital, détruit lors du percement de la rue Étienne Marcel, où séjourna Jacques-Bénigne Bossuet en 1696.
Nous n’avons par l’adresse de l’atelier, situé aux abords de cette place, dans lequel les frères Anne-Jean et Louis-Nicolas Robert, dit Robert le jeune, construisirent le ballon à gaz inventé par Jacques Charles et en réalisèrent les premiers essais le 26 août 1783. Ils avaient réussi pour ce faire à fabriquer du papier continu et à l’imperméabiliser. Ils étaient soutenus financièrement par le vulcanologue Barthélemy Faujas de Saint-Fond et par le papetier Didot Saint-Léger. Cette invention devait avoir un avenir nettement plus utilitaire que celle d’autres frères, les Montgolfier, mais elle ne décolla, avec à son bord Jacques Charles et Robert le jeune, que 10 jours après Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes, laissant à ceux-ci la gloire d’avoir été les premiers humains à quitter le plancher des vaches.
La statue de Louis XIV qui occupe le centre de la place fut abattue, comme presque toutes ses homologues, le 11 août 1792 en même temps que la royauté. Elle fut fondue pour en faire des canons qui allaient être bien utiles à une jeune République menacée de toutes parts. La seule représentation du roi mégalo-soleil qui réchappa à la saine colère du peuple fut celle que l’on peut voir aujourd’hui dans la cour du musée Carnavalet. Elle se trouvait alors à l’Hôtel de Ville.
À la place de l’effigie équestre de Louis Dieudonné, on érigea en 1793 une pyramide portant le nom des départements ralliés à la République et celui des citoyens tués lors de l’attaque des Tuileries le 10 août.
Cette dernière fut à son tour remplacée en 1810 par une statue du général Desaix, tué à la bataille de Marengo. Mais le héros étant représenté entièrement nu fut vite soustrait à la curiosité publique et fondu pour remettre Henri IV sur le Pont Neuf.
Et Louis XIV reprit sa place à l’initiative de son arrière, arrière, arrière… petit rejeton, le XVIIIème et le dernier du nom, enfin, du prénom… La République à son retour n’y a pas touché ; serait-ce possible qu’elle soit plus "monarchienne" qu’elle ne voudrait en avoir l’air ?...
Le corps d’une femme, la première victime de la révolution de 1830, fut exposé sur son piédestal le 27 juillet, apporté là par un garçon boulanger.
Jules Vallès, dont les bureaux de "La Rue" se trouvaient comme nous l’avons vu non loin, rue d’Aboukir, fréquentait le restaurant Detille situé sur cette place.

Rue Vide Gousset


Une rue au nom évocateur de rapine. En 1770, les parisiens la rebaptisèrent d’ailleurs ironiquement "rue Terray", en référence à l’abbé Joseph Marie Terray, ministre des Finances de Louis XV qui les pressurait d’impôts. Le brave ecclésiastique y fut même pendu en effigie. Mais aussi pourquoi s’occuper, quand on est serviteur de Dieu, des triviales contingences matérielles de ce bas monde ?...
4 : Mme de la Sablière tenait ici un salon célèbre, fréquenté par les grandes plumes du 17ème siècle ; Racine, Boileau et Jean de La Fontaine, dont elle fut la protectrice et l’hôtesse.
Le mur à l’angle de la rue du Mail porte encore l’inscription des noms de la Section révolutionnaire du quartier, qui siégeait à l’église des ci-devant Petits Pères et qui, après avoir été "de la place Louis XIV", s’appela successivement Section du Mail en décembre 1792, et Section Guillaume Tell en 93.

Rue du Mail


5 : Siège du premier journal "Le Temps", fondé par Jacques Coste, avec Jean-Jacques Baude comme rédacteur en chef. Sa saisie, le 27 juillet 1830, fut un des déclencheurs des Trois glorieuses.
9 : François René de Chateaubriand descendit ici, à l’hôtel de l’Europe, lors de son premier séjour à Paris en 1788.
Le poète Gérard Labrunie, alias Gérard de Nerval, y logea également en 1852.
12 : Demeure Mme Récamier et de Talma de 1795 à 1798.
13 : Demeure de Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, femme politique et féministe, auteure d’une "déclaration des droits de la femme et de la citoyenne", militante de l’abolition de l’esclavage et du droit au divorce. Proche des Girondins, elle fut décapitée peu de temps après eux, le 3 novembre 1793.
13 : Franz Liszt fut hébergé ici à plusieurs reprises, entre 1823 et 1878, par la famille Érard, la célèbre dynastie de luthiers concurrente de Pleyel. Ils lui fabriquèrent un piano de 7 octaves. La sponsorisation, déjà !...
Gaspare Spontini demeura également chez eux.
Ils avaient fait construire ici une salle de concerts de 228 places, qui existe toujours, où se produisirent les plus grands compositeurs et artistes du temps. Claude Debussy y présenta pour la première fois son "Prélude à l’après-midi d’un faune" le 22 décembre 1895.
Le philosophe Charles Fourier logea également dans cet immeuble à son arrivée à Paris en 1826, alors qu’il était employé aux écritures chez Curtis & Lamb, au n° 29 de la même rue. Il menait alors de front ses propres recherches. Elles allaient déboucher sur une théorie du socialisme — le terme devrait attendre 1840 pour être inventé — qui serait par la suite qualifiée d’utopique, mais qui eut un grand retentissement à l’époque. Certains des fondateurs de la Première Internationale en France, comme Antoine Limousin, son fils Charles-Mathieu, ou Antoine Bourdon, étaient des fouriéristes.
14 : Siège en 1910 du journal "Le Rappel", fondé par la famille Hugo, Paul Meurice et Henri de Rochefort, avec la participation d’Arthur Arnould, Jules Claretie, Édouard Lockroy, Félix Pyat, Auguste Vacquerie… Il tirait alors à 30 000 exemplaires.
25-27 : Une pompe à eau est encore visible au fond de cette grande cour.
29 : Comptoir parisien de Curtis & Lamb, chez qui travaillait donc Charles Fourier comme employé aux écritures à partir de mai 1826. Un emploi sans intérêt mais pas trop contraignant, selon ses propres dires, qui lui laissait le loisir d’avancer sur ses propres ouvrages.
Napoleone Buonaparte fit semble-t-il un séjour dans cette rue en 1790, lors d’un de ses premiers passages à Paris. Le futur "bourreau de travail" était alors un dilettante, en disponibilité de l’armée. Sa vocation de dictateur ne lui avait pas encore été révélée.

Rue Montmartre à gauche


112 : Séjour de Frédéric Mistral en 1859. L’auteur provençal était "monté" à Paris pour y présenter "Mireille".

Rue Paul Lelong


7 : Siège de la revue hebdomadaire "La Charge", qui publia le 13 août 1870 le poème d’Arthur Rimbaud "Première soirée", alors sous le titre de "Trois baisers".
Encore une pompe à eau sur la gauche dans la cour.
9 : Charles Fourier meurt le 10 octobre 1837 au n° 9 de ce qui était alors la rue St Pierre de Montmartre.
Adolphe Couturier, employé de commerce, appartenant au 148ème bataillon de la Garde nationale fédérée, combattant de la barricade de la rue Montmartre le 23 mai 1871, habitait ici. Il fut condamné à 13 mois de prison.
Bernard Sarrette, absolument pas musicien mais administrateur né, acquis à la Révolution, ouvrit en 1792 dans cette rue St Pierre de Montmartre une école gratuite de musique militaire pour les gardes-françaises, qui fournissait des musiciens aux armées et pour les fêtes révolutionnaires. Son initiative est à l’origine de la création du Conservatoire national de musique.

Rue Notre-Dame des Victoires à droite


28 : Hôtel de Samuel Bernard ; emplacement des messageries royales, puis impériales, de 1785 à 1803.
30 : Emplacement de l’usine de cartouches Gévelot et Gaupillat, qui employait 100 ouvriers pour fabriquer les premières capsules en cuivre en 1834. Une des plus importantes "fabriques" à Paris ; les effectifs étant alors en moyenne de 5 salariés par entreprise.
32 : Siège du journal "Le Bonnet Rouge", créé par Baudeau de Secondigné pendant la Commune, qui parut du 10 au 22 avril 1871. Y collaboraient A. Saint-Léger, Georges Dautray, H. Jacques, Le Guillois, Minimus, Polio et Ribérac. Il ne connut que 13 numéros.

Rue Réaumur à droite

Rue Léon Cladel


9 : Siège du journal "La Tribune", alors au 9 rue Joquelet, donnant sur la place de la Bourse, fondé par Armand Marrast. On y lisait des articles de Germain Sarrut et Charles DelescluzeLouis-Augustin Mie en était l’imprimeur. Il fit l’objet d’une descente de police et fut saisi pour avoir appelé au soulèvement le 12 avril 1834, en solidarité avec l’insurrection lyonnaise.
10 : Emplacement du siège du journal "Le Phalanstère", dans cette même rue Joquelet, de 1832 à 1834. Charles Fourier demeurait alors dans ses locaux. Il publiait entre autres des articles de Victor Considerant, Abel Transon, Charles Pellarin et Jules Lechevalier.

Rue Montmartre à gauche


138 : Siège de "La Marseillaise", organe des sociétés ouvrières dirigé par des membres de l’Internationale en 1870 et 1871.
138-142 : Première imprimerie du journal l’Humanité, fondé par Jean Jaurès le 18 avril 1904, et qui sera dirigé successivement par Pierre Renaudel, Marcel Cachin, Étienne Fajon… avec des rédacteurs en chef nommés Paul Vaillant-Couturier, André Ferrat, Georges Cogniot, André Stil
En 1916, l’immeuble accueillit les bureaux du journal "Le Populaire de Paris", fondé par Marceau Pivert avec Jean Longuet, Paul Faure et Henri Barbusse. C’était l’organe de la gauche socialiste opposée à la guerre, concurrent de l’Humanité.
Marcel Cachin et Jacques Doriot, alors dirigeant des Jeunesses Communistes, furent arrêtés ici pour antimilitarisme et anticolonialisme le 18 juillet 1927.
En septembre 1929 Marcel Gitton, dirigeant des Jeunesses Communistes et membre du Comité central du parti, investit les bureaux de "l’Huma" avec un groupe de militants du Bâtiment pour chasser le rédacteur en chef d’alors et le remplacer par Florimond Bonte. En 1940, Gitton reniera le PCF dont il était alors député, et militera pour le pétainisme et la collaboration.
L’immeuble abritait également le siège de "l’Avant-Garde", organe des Jeunesses communistes, ainsi que celui de la revue "les Cahiers du Bolchévisme".

140 : Emplacement du l’église St Joseph, chapelle du cimetière du même nom, où se réunissait, à partir du 21 mai 1790, la Section Fontaine-Montmorency, qui devint en octobre 92 la Section Molière et La Fontaine, puis la Section de Brutus en septembre 1793.
142-144 : C’est dans le cimetière St Joseph, qui se trouvait ici au 17ème siècle, qu’auraient été inhumés Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, le 21 février 1673, et Jean de La Fontaine en 1695. Leurs restes supposés furent récupérés un peu plus d’un siècle plus tard pour être transférés en 1817, avec ceux d’Éloïse et Abélard, au Père Lachaise. Et cela non pas par remord de conscience de l’institution qui leur avait refusé pour diverses raisons la "terre chrétienne", mais dans le seul but de faire un peu de publicité à ce nouveau cimetière aménagé hors les murs en 1804, où personne ne voulait aller se faire enterrer parce-que trop éloigné du centre de la ville.
142 : Cet immeuble fut le siège du journal “La France” et de bien d’autres publications depuis 1885. Entre autres, de 1886 à 1924, celui de "l’Intransigeant", créé par Henri de Rochefort et Léon Bailby en 1880 ; journal très à gauche au début, mais qui devint boulangiste puis antidreyfusard.
Ce fut aussi le siège de "l’Aurore". C’est ici qu’Émile Zola lut, le 12 janvier 1898, devant Ernest Vaughan, Urbain Gohier, Francis de Pressensé et Georges Clemenceau, un article qu’il venait d’écrire sur la base d’un dossier établi par Bernard Lazare. Il devait être publié le lendemain sous le titre "J’accuse… !".

113 : Emplacement du manège Pellier, qui accueillit les réunions de la "Société des Amis du Peuple", fondée en 1830 par François-Vincent Raspail, Ulysse Trélat, Adrien Recurt, Charles Teste et Philippe Buonarroti, l’ancien membre de la Conjuration des Égaux propagateur des idées de Gracchus Babeuf. Un club révolutionnaire dont serait issue la "Société des Droits de l’Homme".
117 : Emplacement du siège du journal "Le Constitutionnel", repris par Louis Véron en 1844, et dont le rédacteur en chef était un certain Adolphe Thiers.
121 : Siège, de 1906 à 1911, du journal anarchiste antimilitariste "La Guerre Sociale", fondé par Gustave Hervé, et auquel participaient Gaston Couté, le poète beauceron, Montéhus, Miguel Almereyda, Alphonse Merrheim, Sébastien Faure... Journal autour duquel se constitua l’organisation de combat des "Jeunes gardes révolutionnaires". La Guerre sociale se ralliera à l’Union sacrée en 1914 et deviendra "La Victoire" en 1916… Joli virage !...

Rue St Joseph


10 : Maison natale d’Émile Zola. Il vit le jour ici le 2 avril 1840.
Ce fut plus tard, en 1883, l’imprimerie d’André Alavoine, ex membre de l’A.I.T., du Comité central de la Garde nationale, sous-directeur de l’Imprimerie nationale pendant la Commune. C’est chez lui que Jules Vallès faisait tirer son "Cri du Peuple" nouvelle formule.
7 : Demeure de Jules Perrenoud, dit Albert, agent provocateur de Versailles qui eut sur la conscience, s’il en avait une, l’arrestation de 271 Communards, dont Gaston Da Costa — que la police recruta à son tour comme délateur — Jean-Jacques Pillot, Alexis Trinquet, Galdric Verdaguer, Eugène Protot et le capitaine Boudin.
6 : Siège du journal "La Patrie", devenu bonapartiste, qui fut interdit pendant la Commune, le 18 mai 1871.
Second siège du journal anarchiste antimilitariste "La Guerre Sociale", en 1911.
Siège de la maison d’édition "de la Lune, de l’Éclipse et du Croissant", créée par Georges Decaux et Jules Tallandier. Elle était spécialisée dans la publication d’ouvrages populaires. Elle édita Ponson du Terrail, Xavier de Montépin, Zola, Alphonse Daudet, Jean Richepin, André Gill

Rue du Sentier à gauche


3 : Siège du Club Médical, présidé par Chariat, créé en mars pendant la révolution de 1848.
8 : Séjour de Mozart, en tournée à Paris, à l’auberge des Quatre Fils Aymon, alors rue du Gros Chenet, accompagné de sa mère Anna Maria. Cette dernière mourut ici de fièvres le 3 juillet 1778 et fut inhumée au cimetière St Eustache.
Louise-Élisabeth Vigée-Lebrun, portraitiste de la cour, vécut là égaleement en 1801 et y tint un célèbre salon.

Rue du Croissant à gauche


Une rue presque totalement consacrée à la presse.
8 : Siège administratif du journal "Le Mot d’Ordre", fondé par Victor-Henri de Rochefort-Luçay, dit Henri Rochefort, avec une partie de l’ancienne équipe de "la Marseillaise" : Heri Maret, Jean Barberet, Eugène Mourot... Il compta 86 numéros et fut interdit par Vinoy le 1er février 1871.
12 : Second siège du journal "l’Intransigeant", de 1884 à 1886. Fondé lui aussi par Rochefort en 1880, et se situant franchement à gauche au début, il compta parmi ses collaborateurs Benoît Malon, Albert Theisz, Nathalie Le Mel, tous anciens Communards et ex membres de l’Internationale. Mais il tourna en quelques années à l’extrême-droite boulangiste et antidreyfusarde.
13 : Imprimerie du journal "[La Patrie en danger", créé par Blanqui, le 7 septembre 1870 ; organe du club du même nom qui se réunissait rue d’Arras, et dont Jean Allemane était le président.
Siège également du journal "La Bouche de Fer", de Paschal Grousset, imprimé par Chatelain, qui ne connut que 2 numéros du 8 au 11 mars 1871 suite à interdiction par le général Vinoy, commandant de la place de Paris.
Siège encore de "l’Ami du Peuple", d’Auguste Vermorel, journal lui aussi éphémère publié pendant la Commune à partir du 23 avril 1871. Il ne livra que 4 numéros.
Siège toujours de "La Sociale", d’Eugène Vermersch, Alphonse Humbert et Maxime Vuillaume, dans lequel écrivait entre autres Léodile Champseix, alias André Léo, compagne de Benoît Malon.
Siège enfin, à la même époque, du journal "La Souveraineté du peuple".
L’imprimerie de Chatelain servait aussi de bureau de vente de "La Fédération", journal de la Fédération républicaine de la Garde nationale.

14 : La revue "l’Époque", qui s’était sabordée le 10 juin 1940, reparaît après la Libération. Alexandre Vialatte est son correspondant en Allemagne.
16 : De 1832 à 1893, siège du journal satyrique "Le Charivari", auquel collaborent de nombreux caricaturistes célèbres : Gavarni, Decamps, Daumier, Henry Monnier, Charles Philipon, Louis Desnoyers.
À partir de 1836, siège du journal "Le Siècle". Lors d’une réunion de 7 parlementaires, qui se tient ici au sortir de chez Odilon Barrot — sur les 100 initialement inscrits pour le banquet républicain --- le recours aux armes est décidé en cas de répression, le 21 février 1848. La révolution va éclater le lendemain.
De l’imprimerie d’Auguste Vallée sortit de nouveau le premier numéro de la Marseillaise après le retour d’exil de Rochefort, le 9 septembre 1870.
Le 6 mars 1871 Vermersch, Humbert et Vuillaume décidèrent avec Simon et Aubouin de reprendre le titre "Le Père Duchêne" créé par Jacques-René Hébert le 30 novembre 1790. Il fut interdit par Vinoy le 11, mais reparut pendant la Commune avec un certain succès.
Le 23 avril, l’imprimerie Vallée tira le journal "L’Ami du Peuple", d’Auguste Vermorel, qui n’allait connaître que 2 livraisons.
Il imprima également "Le Vengeur", de Félix Pyat et Maurice Lachâtre, en même temps rédacteur et éditeur.
"L’Intransigeant" y eut son premier siège de 1880 à 1884. Le numéro 1 parut le 15 juillet 1880. C’était alors un journal très révolutionnaire. Comme nous l’avons vu, il ne le resta pas.
L’imprimerie Vallée, devenue "imprimerie de la Presse" tirera "La Sociale", publiée par un groupe de travailleurs de la profession qui se nommera "Bataillon du Père Duchêne".
De nombreux journaux républicains en sortiront. Elle fonctionnera jusqu’en 1996.
"L’Humanité" aura ici en 1910 son administration et sa rédaction, ainsi qu’une librairie, sous l’égide de Jean Jaurès, un des seuls socialistes de son temps à rester jusqu’au bout opposé à "l’Union sacrée". Il le paiera de sa vie…
Sous l’Occupation, c’est le quotidien collaborationniste "Révolution nationale", proche du RNP de Marcel Déat, qui occupera ces locaux. Dirigé par Lucien Combelle, on y trouvera les signatures de Louis-Ferdinand Céline et de Drieu la Rochelle.

17 : Siège du "journal maratiste l’Ami du Peuple", de Maxime Lisbonne. Ce dernier paraît à partir du 27 novembre 1884 sous le titre de Jean-Paul Marat, dèjà repris en 1848 par Vincent Raspail et, pendant la Commune, par Auguste Vermorel. Il ouvrira ses pages entre autres à Jean Baptiste Clément. Mais ce ne sera pas un franc succès ; sa publication cessera en 1885. Ce temps n’était plus, ou pas encore, à la révolution.
20 : Siège du journal satyrique "Le Grelot" pendant la Commune de 1871.
Ce fut également celui de la maison d’édition "de la Lune, de l’Éclipse et du Croissant", fondée en 1870, que nous avons déjà rencontrée plus haut.

Rue Montmartre à droite


123 : Siège du journal "La Presse", titre créé sous la Monarchie de Juillet, en 1836, par Émile de Girardin, un des premiers grands quotidiens français.
L’imprimerie Serrière tira ici pendant la Commune "L’Union Française", d’Émile de Girardin — encore lui —, Ernest Desmarest et Charles Virmaître, à partir du 5 mai 1871. Il n’y eut que 12 numéros.
À partir du 8 mai, sortit également "Le Corsaire", reprise du "Petit National" interdit par la Commune et dirigé par Gustave Richardet. Il en sortit 9 numéros.
En 1893, ce fut le siège du "Chambard Socialiste", fondé par Alfred Léon Gérault-Richard.
Après la première guerre mondiale, en 1919, sortit ici des presses de l’imprimerie Dangon, gérée par Julien Monneveux, la "Vie Ouvrière" qui était alors la revue hebdomadaire de la CGTU. Pierre Monatte, son fondateur, était resté, lui, à la CGT.
Dangon imprima également, de janvier à avril 1927, les 3 numéros de "l’Âme Annamite", dirigée par un certain Nguyên Tat Thanh, alors alias N’Guyen Ai Quôc, le patriote, qui devait prendre plus tard le pseudonyme d’Hô chi Minh. Pierre Naville, encore étudiant, y publia un article.
En 1930 et 1931 parut ici l’hebdomadaire "Le Cri du Peuple", organe du Comité pour l’indépendance syndicale, dit "Comité des 22", créé par Maurice Chambelland, avec Fonty, Delsol, Boville, Deveaux, Charbit, Rambaud et Daniel Guérin.

125 : Imprimerie du journal républicain et anticlérical "L’Avenir National", créé par Alphonse Peyrat, qui parut de 1865 à 1873.
131 : Un des sièges du journal "La Presse".
133 : Siège du "Fils du père Duchêne", publié pendant la Commune chez Gayet, imprimé par Serrière, et dont les rédacteurs se nommaient Citoyens Hugène, Gugusse et Dodorre. Il en sortit 10 numéros à partir du 21 avril 1871.

146 : C’est au café "À la Chope du Croissant" qu’Eugène Vermersch, Alphonse Humbert et Maxime Vuillaume signèrent le contrat qui les liait à Simon et Aubouin, les commanditaires du nouveau Père Duchêne, en mars 1871.
Mais c’est surtout dans ce café que Raoul Villain assassina Jean Jaurès le 31 juillet 1914, à la veille de la déclaration de cette guerre que le grand tribun avait, parmi les seuls à l’époque, rejetée de toutes ses forces. Miguel Almereyda et son jeune fils Jean Vigo, le futur cinéaste, furent témoins de la scène.
Villain sera acquitté 5 ans plus tard. Mais il aura finalement le sort qu’il méritait, abattu en 1936 sur l’île d’Ibiza où il s’était réfugié, par des anarchistes espagnols qui l’accusaient d’espionnage au profit de Franco.
La mort de Jaurès, paradoxalement, poussa un certains nombre de soi-disant "socialistes" qui hésitaient jusqu’alors, à adhérer à "l’Union sacrée" et à voter les crédits de guerre. Pauvre Jaurès, assassiné deux fois !...

148 : Siège de la rédaction du journal "Le Mot d’ordre", un titre de plus créé par Rochefort, interdit lui aussi par Vinoy le 11 mars 1871.
152 : Siège du journal "Le Tribun du Peuple", fondé par Prosper-Olivier Lissagaray avec Henri Maret et Edmond Lepelletier. Lui aussi eut une existence très brève, du 17 au 24 mai 1871. Lissagaray fut un des derniers combattants de la Commune. Il en rédigea par la suite une Histoire qui fait référence.
154 : Siège du journal "Le Peuple constituant", créé dès le 27 février 1848 par Lamennais et Henry Barbet ; un protestant.
Pierre-Joseph Proudhon fit paraître le même jour, en ce même lieu, le premier numéro de son propre journal : "Le Représentant du Peuple".
156 : Emplacement de la porte Montmartre de l’enceinte de Louis XIII, construite en 1635 sur les plans de Pidou et Le Barbier ; enceinte dite des "Fossés jaunes" à cause de la couleur de l’argile dans laquelle on avait creusé les douves. C’était la troisième porte du nom, après celles de Philippe Auguste et de Charles V. Elle fut détruite en 1701 par décision du soi-disant fiston.

Rue Brongniart

Rue Notre-Dame des Victoires à gauche


23 : Emplacement d’un hôtel où séjourna en 1867 Isidore Ducasse ; en littérature, le comte de Lautréamont.
50 : Le poste du corps de garde de la gendarmerie qui se trouvait ici fut attaqué et incendié par les Insurgés le 27 juillet 1830, suite à la mort de l’un d’entre eux rue St Honoré. Ils étaient commandés par Jean-Baptiste-Adolphe Charras, un jeune polytechnicien. Ce fut l’un des premiers affrontements des Trois glorieuses.
44 : Immeuble de rapport de style néo-renaissance datant de 1840, typique de l’architecture de la Monarchie de Juillet.

Place de la Bourse


Elle fut aménagée sur l’emplacement de l’ancien couvent des Filles St Thomas dont une rue qui en part a gardé le nom.
Ce couvent fut à partir du 21 mai 1792 le siège de la Section de la Bibliothèque, qui devint Section Quatre-Vingt-Douze en septembre, puis Section Lepeletier en octobre 1793. C’est de là que partit l’insurrection soi-disant royaliste du 13 Vendémiaire (5 octobre 1795). Elle était animée par Bertrand Arnaud, Joigny, Vergne…
En attendant la laborieuse construction du palais Brongniart, qui dura de 1818 à 1827, la Bourse des valeurs s’installa dans une dépendance de ce couvent qui servait depuis la Révolution de magasin de décors pour l’Opéra.

La librairie Sautelet, qui se trouvait sur cette place, abritait le siège du journal périodique "Le Producteur", fondé en 1825 par Olinde Rodrigues après la mort de Saint-Simon.
Des combats firent ici le premier mort de la Révolution de 1830, le 27 juillet.
Pendant la Commune y fut créée une poste privée pour les courriers locaux.
Dans la rue de la Bourse se trouvait alors le siège de la "Fédération des associations départementales", réunissant les organisations de provinciaux à Paris. Eugène Pottier était le représentant de la Seine au sein de la Commission d’initiative qui l’avait créée.

Faisons le tour de la place dans le sens des aiguilles d’une montre

17 : Le siège du Club Méditerranée, de Gilbert Trigano, subit un attentat à la bombe le 11 juin 1978, revendiqué par un mystérieux "Front de la libération nationale française"...
12 : Siège du club de la Révolution Sociale, présidé par Fiot, avec Mallen, Scipion Dumoulin, d’Inville ; créé en mars pendant la Révolution de 1848.

2 : La Bourse des valeurs s’installa dans le palais Brongniart en 1827, après longtemps d’errance.
Un grand banquet y fut donné par la Chambre de commerce de Paris le 17 mars 1845 en l’honneur du général Bugeaud, le “pacificateur de l’Algérie”. Cela avait le mérite d’être clair, quand on connaît le curriculum du "père Bugeaud, à la casquette en peau de chameau". Avant de terroriser la population algérienne à coup d’enfumades de villages entiers réfugiés dans des grottes, il avait fait ses armes pendant l’insurrection de 1834, en "pacifiant" les rues de Paris. Il n’était pas rue Transnonain, paraît-t-il ; mais il commandait bien, là aussi, des troupes de massacreurs.
En mars 1848, la salle des Faillites de la Bourse des valeurs abrita les réunions du Club des Intérêts populaires et de la Garde mobile, présidé par un certain Masselin.
Le 31 octobre 1870, 200 officiers de la Garde nationale, réunis par le colonel de Rochebrune, discutèrent dans la grande salle sur l’attitude à tenir vis à vis du gouvernement provisoire.
Pendant le siège de Paris, à l’initiative de Charles Floquet et du syndicat de métier des Tailleurs, la Bourse fut transformée en atelier de confection de vareuses, tuniques et pantalons pour la Garde nationale.
Elle fut, comme par hasard, un des quartiers généraux des "Amis de l’Ordre" contre la Commune le 20 mars 1871.
Pendant la Semaine sanglante, le 25 mai, des Fédérés blessés furent massacrés, attachés aux grilles extérieures de cet édifice ; tout un symbole...
Le 5 mars 1886, l’anarchiste Charles Gallo y manqua un attentat à l’acide prussique et au révolver.
La Bourse, d’abord fermée par les occupants allemands, fut autorisée à rouvrir le 14 octobre 1940. Mais les transferts de propriété de sociétés anonymes restèrent interdits pour ne pas gêner "l’aryanisation".
Le 4 avril 1961, l’explosion d’une charge de plastic posée par le FLN Algérien fait au moins 14 blessés.
Le 24 mai 1968, des militants de la Gauche prolétarienne prennent la Bourse d’assaut et y allument un incendie.

Rue Feydeau


24 : Demeure de J-P Glérome, ou Clérome, publiciste, membre de l’Association Internationale des Travailleurs, signataire du programme électoral de l’A.I.T. intitulé "Aux électeurs de 1869", publié le 23 janvier de cette même année.
19-21 : Emplacement du théâtre de Monsieur, puis théâtre Feydeau, construit pendant la Révolution, en 1791, par les architectes Legrand et Molinos. Une partie du quartier — dont la rue des Colonnes toute proche — est constituée des rares bâtiments construits à Paris pendant la période révolutionnaire. Le théâtre Feydeau disparut avec le couvent des Filles St Thomas dont il était mitoyen, pour laisser place à la Bourse.
12 : Permanence de la Fédération de la Seine de la SFIO après la scission du Congrès de Tours, de 1921 à 1928. Ce fut aussi le siège du journal "Le Populaire", fondé par Jean Longuet en 1917. On y enseignait l’Esperanto.
La Fédération des Jeunesses Socialistes, dirigée par Fred Zeller, s’y installa en décembre 1934. C’était une dissidence des Jeunesses Socialistes de Seine et Seine et Oise qui publiait la revue "Révolution".
En riposte à une agression des Croix de Feu du colonel de la Rocque qui saccagèrent ce local le 7 avril 1935, la Fédération de la Seine constitua, sous la direction de Marceau Pivert, des groupes d’auto-défense, les TPPS (Toujours prêts pour servir).
Cambacérès s’installa à l’hôtel de Béarn, situé dans la rue Feydeau, lors de son arrivée à Paris le 10 septembre 1792.

Rue Montmartre à gauche


Elle prit le 25 brumaire an II (15 novembre 1793), après l’assassinat du fondateur de "l’Ami du Peuple", le nom de "rue Mont Marat". Elle le perdit le 6 nivôse an III (26 décembre 1794), après Thermidor.
161 : Demeure de Jules Caisso, professeur de mathématiques, directeur de l’école Turgot. cette dernière fut, pendant la Commune, le pôle de la plupart des initiatives prises dans le domaine de l’éducation. Les versaillais le fusillèrent pendant la Semaine sanglante.
163 : Emplacement en 1914 du cabaret de "La Pie qui chante", qui donna son nom à une fameuse marque de bonbons. Nostalgie gourmande, quand tu nous tiens !...
172 : L’Hôtel d’Uzès abrita la banque fondée par l’industriel Benjamin Delessert, promoteur de l’extraction du sucre à partir de la betterave inventée par Jean-Baptiste Quéruel, et fondateur en France des Caisses d’épargne. Il mourut ici le 1er mars 1847.
Le cabinet de lecture dans lequel Edgar Allan Poe nous fait faire la connaissance de Dupin, premier détective privé de la littérature, héros de son "Double assassinat dans la rue Morgue", écrit en 1841, se trouvait quelque part dans la rue Montmartre… Ne cherchez pas où ; il n’exista que dans l’imagination fertile du grand romancier américain qui ne mit jamais les pieds à Paris.

Bd Poissonnière à droite


32 : Emplacement du restaurant de Paul Brébant, ancien café des Grands Hommes, où Flaubert déplaça les "Dîners Magny" du vendredi après la mort de Sainte-Beuve en 1869.
27 : Premier domicile parisien de Frédéric Chopin, de fin septembre 1831 à 1832.
26 : Siège du club républicain de la Chapelle St Denis, alors 26 boulevard des Poissonniers, présidé par Mag. Un club révolutionnaire créé en mars pendant la Révolution de 1848.
23 : Hôtel Montholon, demeure et premier salon de Mme Juliette Adam, au 4ème étage. Un salon très politique, fréquenté par Léon Gambetta, Adolphe Thiers, Georges Clemenceau, Louis Blanc, Camille Pelletan, Alphonse Daudet... En fait un cercle républicain, foyer de contestation sous le Second Empire. C’est lors d’un débat qui se déroula ici que Gambetta prit la décision de fonder la Troisième République en 1870.
14bis : Siège de l’Union des syndicats professionnels d’employés catholiques, fondée en 1913, qui comptait 10 423 adhérents dès 1914.

Rue St Fiacre


20 : Demeure en 1783 d’Antoine Fouquier-Tinville, futur accusateur public du Tribunal révolutionnaire.
16 : Maison de rendez-vous qui servait de lieu de rencontre pour les Fermiers généraux en 1760.
12 : Siège de la Fédération du Théâtre ouvrier de France (FTOF), fondée par Gaston Clamamus en 1932. Elle regroupa jusqu’à une centaine de troupes militantes, dont les Blouses bleues, le groupe Mars des frères Maurice et Nathan Korb (le futur Francis Lemarque), et le groupe Octobre de Prévert. Elle éditait une revue : "la Scène ouvrière".
C’était aussi le siège de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires, l’AÉAR, créée le 18 mars 1932.
8 : Demeure de Dumesnil, le chanteur d’opéra haute-contre qui créa Armide de Lully, en 1686, avec Melle Maupin.

Rue des Jeûneurs à gauche jusqu’à la rue de Mulhouse puis retour


23 : Demeure en 1840 de Benjamin Delessert, dont nous avons parlé plus haut.
20 : Emplacement du tribunal où Fouquier-Tinville exerçait la charge de procureur au Châtelet de 1773 à 1783.
14 : Rédaction du "Bulletin communal", organe du Club central des clubs, Conseil fédéral de l’Association Internationale des Travailleurs. Ce bulletin, édité à partir du 6 mai 1871, était destiné à centraliser les propositions des sections parisiennes de l’A.I.T. pendant la Commune. Il eut bien peu de temps pour remplir cet office…
Le Conseil fédéral projetait également de publier ici un journal, "La Souveraineté du Peuple". Il ne connut qu’un seul numéro en ce tragique mois de mai.
L’immeuble avait accueilli également la rédaction du journal "La Vérité" jusqu’au 25 mars 1870. Fondé par Édouard Portalis, son équipe était constituée de Roger de la Lande, Paul Duverger, Buray, Decaisne, De Semur et Audouard. Il continua à paraître à une autre adresse sous la Commune.

Rue du Sentier à droite


29 : Emplacement de l’atelier d’Eugène Pottier. L’auteur de l’Internationale, et de tant d’autres chants militants, était dessinateur sur soie. Il avait failli être fusillé sur les barricades de Juin 1848. Fondateur de la Chambre syndicale des dessinateurs artistes industriels, dont le siège était ici, il fut membre du Comité central de la Garde nationale avant d’être élu au Conseil de la Commune en 1871.
33 : Demeure en 1741 de Jeanne Poisson, qui épousa le Fermier général Le Normant d’Étioles avant de devenir une des nombreuses concubines de Louis XV, la marquise de Pompadour.
41 : Maison du notaire Jacques Ferrand dans "Les Mystères de Paris", écrits par Eugène Sue en 1838.
Louis-Napoléon Bonaparte demeura d’abord dans cette rue à son retour d’exil, le 27 février 1848.
Le club démocratique du 3ème arrondissement y eut son siège en mars 1848 dans l’école de la rue du Gros Chenet — le nom que portait alors cette voie. Il était présidé par Binoit, Delorme en était vice-président, Lucas et Simon les secrétaires. C’était un club révolutionnaire affilié à la Société des Droits de l’Homme.

Bd Poissonnière à droite


Sur ce boulevard, on tira au canon le 4 décembre 1851 contre ceux qui résistaient au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, digne petit neveu d’un autre dictateur, qui avait lui aussi commencé sa carrière en mitraillant le peuple.

8 : La "Librairie nouvelle", librairie du PCF, se trouvait au rez-de-chaussée de cet immeuble.
6 : Le siège de "l’Humanité", devenu l’organe central du Parti Communiste, s’était installé ici, au 4ème étage, à partir de novembre 1956. L’Humanité dimanche était au 5ème.
Le lieu avait abrité auparavant le siège du journal "Le Figaro" lors de sa création le 15 février 1826. Fondé par Maurice Alhoy et Étienne Arago, il n’était au début qu’une revue hebdomadaire artistique et mondaine. Il avait été revendu 6 mois plus tard à Auguste Le poitevin de Saint Alme. Hippolyte de Villemessant allait en faire un des principaux quotidiens français. Il resta ici jusqu’en 1833.
Après la Libération, en 1946, ces locaux furent occupés par la Société nationale des entreprises de presse, la SNEP, une holding d’État regroupant les biens des journaux de l’Occupation. Elle y installa le siège du journal "Le Populaire", quotidien de la SFIO.

2-6 : Siège du journal "Le Matin", dans les locaux duquel fut exposé à partir du 4 septembre 1909 l’avion de Blériot ; peut-être en remerciement pour le journaliste Charles Fontaine qui l’avait guidé sur Douvres lors de sa traversée de la Manche.
Dirigée par Maurice Bunau-Varilla, la rédaction du matin, qui comprend Jean Luchaire, Jacques Mesnard et Roujon, sera la seule à ne pas quitter Paris au moment de l’exode le 17 juin 1940. Elle collaborera ouvertement avec les nazis pendant toute l’Occupation ; ce qui n’empêchera pas Henri de Montherlant de continuer à lui fournir des articles. Luchaire sera fusillé à la Libération et le fils Bunau-Varilla condamné aux travaux forcés. Le père avait eu la bonne idée de mourir le 1er août 1944.

1 : Durant cette période, le cinéma Rex est transformé en Soldatenkino, réservé à l’armée allemande. Le 17 septembre 1942, Fosco Focardi, alias Cerbère, chef du groupe Valmy, assisté de Wadel, Rideau et Élise, jette des grenades sur les militaires qui attendent sur le trottoir.
Et le 16 mars 1943, c’est Paul Silberman, un ancien d’Espagne membre de la MOI, qui lance une bombe au même endroit. Lui est blessé et 46 otages seront fusillés en représailles.

Ce lieu fut également un des points les plus durs de la répression des militants et sympathisants algériens du FLN qui manifestaient pacifiquement le 17 octobre 1961 contre le couvre-feu instauré par le gouvernement de de Gaulle. Le boucher en chef était un certain Maurice Papon qui, comme chacun sait, n’en était pas à sa première ignominie…

Rue Poissonnière


33 : Emplacement de la poterne de la Poissonnerie, ouverte en 1645 dans l’enceinte de Louis XIII pour faciliter l’entrée de la marée dans Paris. Elle fut rebaptisée porte Ste Anne en 1885 et disparut en 1705 avec les remparts.

Rue de la Lune


Le léger coude que fait cette rue marque le tracé d’un bastion de l’enceinte de Louis XIII.
La butte qu’elle parcourt, appelée butte des Gravois, puis de Bonne-Nouvelle, est formée par l’accumulation de siècles de débris jetés hors du rempart, auxquels vinrent s’ajouter les gravats de démolitions des moulins qui s’y trouvaient, par la Ligue, lors du siège de Paris par Henri IV en 1591.
32 : Au Soleil d’Or, une auberge où séjourna en 1699 Jean-François Regnard, l’auteur du "Légataire universel" et du "Distrait".
25 : L’église [Notre-Dame de Bonne-Nouvelle.
Anne d’Autriche venait y prier à propos de sa prétendue stérilité, entre 1628 et 1638. Elle obtint effectivement un miracle, sous forme d’un "heureux événement" dans lequel intervint, non comme géniteur sans doute mais peut-être bien comme "céleste intermédiaire", un certain cardinal de Richelieu
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle fut détruite à nouveau en 1797, mais reconstruite en 1823.

Rue Notre-Dame de Bonne Nouvelle à droite

Rue Beauregard à droite puis à gauche


15 : Demeure de Pierre Rimbert, ouvrier linotypiste chez qui se tenaient avec Léon Boutbien et Marcel Fourrier les réunions du comité de rédaction de la feuille clandestine "Liberté" en 1941. La police ayant des soupçons, son appartement fut perquisitionné, mais en vain.
23-25 : Demeure de Catherine Deshayes, veuve Mauvoisin, dite "la Voisin", célèbre empoisonneuse dans le procès de laquelle fut mouillée la Montespan. Elle fut brûlée vive en 1680. La Voisin, bien sûr, pas la Montespan !
32 : Ancienne boutique à l’enseigne de "l’image Notre-Dame", dont la façade comporte une niche publicitaire remarquable renfermant la statue de… Ste Jeanne.

Rue des Degrés


Elle date de 1650. C’est la rue la plus courte de Paris. Elle ne comporte que 14 marches sur 5,50 mètres de longueur.
Le baron de Batz s’y embusqua le 21 janvier 1793 avec un groupe de 25 conjurés pour une tentative désespérée d’enlever Louis XVI sur le chemin qui le conduisait à l’échafaud. Ce fut bien-sûr un échec.

Rue de Cléry à droite aller-retour puis à gauche


74 : La maison d’édition Raginel publiait ici après la révolution de 1848 des textes politiques et du mouvement social ; entre autres ceux de Proudhon.
97 : Demeure supposée mais contestée d’André de Chénier en 1793, indiquée par une plaque discutable. Il avait dû se réfugier en fait à Versailles pour échapper aux poursuites dont il était l’objet, suite à ses violentes attaques contre Marat et Robespierre. Il fut guillotiné deux jours avant Thermidor, entre autres pour avoir participé à l’achat de votes de conventionnels contre la condamnation à mort de Louis XVI.

Pierre Corneille habita la rue de Cléry avec son frère Thomas et les deux sœurs qu’ils avaient respectivement épousées, de 1665 à 1681, après le refus de Louis XIV de le loger au Louvre. Cette rue, aménagée sur l’ancien rempart, qui s’est appelée un temps rue Mouffetard à cause des mauvaises odeurs — les "moufettes" — qui émanaient de la Butte aux Gravois à laquelle elle menait, était alors assez misérable. C’est néanmoins ici que l’académicien écrivit, entre autres en collaboration avec son ami Molière, la plupart de ses pièces.
Jean Pierre André Amar, ex membre du Comité de sûreté générale, habita également dans cette rue à une adresse qui nous reste malheureusement inconnue. Il se tint chez lui, en 1795, des réunions du Lycée politique, autrement appelé le "Comité Amar", ébauche de ce qui allait devenir la Conjuration des Égaux, dite de Babeuf. Elles rassemblaient, Philippe Buonarroti, Augustin Darthé, Guillaume Massart, Charles Germain, Félix Lepeletier de Saint-Fargeau, Robert-François Debon, Gênois, Clément, Marchand… Mais Amar fut par la suite tenu à l’écart par certains membres de la "Conspiration pour l’Égalité", vu le rôle qu’il avait joué dans la chute de Robespierre, et le Lycée politique fut dissout..

Passage de Cléry

Bd Bonne Nouvelle


38 : Le théâtre du Gymnase a été construit en 1820 pour l’entrainement des élèves du Conservatoire. Il s’est appelé un temps théâtre de Madame en l’honneur de la duchesse de Berry, puis Gymnase dramatique après la révolution de 1830.
Des tractations eurent lieu le 24 février 1848 sur une barricade dressée devant ses portes, entre le général Bedeau et Fauvelle-Delebarre, porte-parole des Insurgés. Odilon Barrot se fit huer par la foule à cette occasion. Une colonne de 2000 hommes pactisa avec l’insurrection.

20 : À la place du bureau de Poste se trouvait autrefois le "Bazar Bonne-Nouvelle", un immeuble commercial tout-à-fait novateur qui regroupait sur six niveaux un magasin de comestibles, un bazar, un grand café, un restaurant, 300 boutiques, des salles de spectacles, dont une salle de concerts appelée le Gymnase musical, des salles de réunions et une galerie de peinture. Un ancêtre à la fois de nos centres commerciaux et de nos maisons de la Culture…
Il accueillit provisoirement pendant deux ans les représentations du théâtre du Vaudeville après l’incendie, survenu le 17 juillet 1838, de la salle de l’Hôtel de Rambouillet qu’il occupait jusqu’alors place du Carrousel.
Il semble que ce soit également ce "Palais Bonne-Nouvelle" qui ait abrité le spectacle optique de Bouton et Daguerre après un autre incendie, en 1839, celui du Diorama de la rue Samson, place du Château d’Eau.
Sa galerie présentait des expositions de peintres refusés par le "Salon" officiel ; celle de 1845 où l’on vit des œuvres de Delacroix, et celle de 1846 qui fit une large place à David et à Ingres. Expositions à l’occasion desquelles Charles Baudelaire fit ses premières armes de critique d’art, en particulier celle de 46 qu’il analysa dans un article intitulé "le musée classique du Bazar Bonne-Nouvelle".
Il s’y tint également des réunions politiques, en particulier en mars 1848.
Celles du "Comité central des élections" ; club bourgeois patronné par le journal Le National, présidé par Recurt, et où l’on retrouvait le général Clément-Thomas, Chevallon, Corbon, Degousée, Dubois, Outin, Thirion…
Celles du Club du Commerce, présidé par Dupuis, qui réunissait les commis-marchands du Sentier.
Celles du Club des Provençaux.
Celles du Club des Femmes, animé par Eugénie Niboyet, Anaïs Ségalas, Jeanne Deroin, Désirée Gay, Marie Delmay, Pauline Roland, Marie-Noémi Constant, dite Claude Vignon, Julia Hémal, Adèle Esquiros… en avril 1848.
Celles du Club du Peuple ; un club très révolutionnaire constitué de communistes Icariens, présidé par Alphonse Esquiros, Paul de Flotte et Pierre Lachambaudie, auquel appartenait Marche, ce militant qui tint tête à Lamartine à l’Hôtel de Ville à propos de l’adoption du drapeau rouge. Ce club serait très actif en Juin 1848. Paul de Flotte y proposa en septembre de cette même année "d’anéantir le dernier bourgeois" et de "brûler le grand-livre de la dette"…

11 : Demeure de Baudelaire de mai à juillet 1852.
Le peintre Jean-Baptiste Greuze habita, et mourut le 21 mars 1805, rue des Fossés St Denis, une voie effacée par l’élargissement du boulevard.
Le 9 juin 1820 un cortège défila ici au cri de “vive la charte”. Une charge des cuirassiers fit plusieurs morts.
Autre manifestation le 15 juin 1831 autour du poste de police de Bonne-Nouvelle pour l’acquittement d’Évariste Galois, ce jeune mathématicien qui avait porté dans un banquet, un couteau dans la main, un toast "à Louis-Philippe… s’il trahit !". Le roi à la tête en poire fut de fait, à notre connaissance, le plus "attentatisé" de notre Histoire.
De violents combats eurent lieu autour de la Porte St Denis et dans tout le quartier le 23 juin 1848, opposant des ouvriers des ateliers nationaux au gouvernement provisoire qui les avait utilisés puis trahis lui aussi.
Le 13 juin 1849, Karl Marx, resté clandestinement à Paris malgré l’assignation à résidence dans le Morbihan dont il était frappé, participait ici à une protestation contre l’expédition de Rome, décidée par le "parti de l’ordre" qui dominait alors l’Assemblée. Il partit pour Londres deux mois plus tard, le 24 août. Suite à cette action, un certain nombre de militants républicains furent arrêtés dans les jours qui suivirent. Victor Considérant, Alexandre Ledru-Rollin, Félix Pyat, Charles Delescluze, et même François Arago durent s’exiler…
Et à nouveau, le 4 décembre 1851, les combats entre les opposants au coup d’État de Louis-Napoléon Badinguet et les troupes de la division Carrelet, commandées par le général Saint-Arnaud, qui n’hésita pas à faire tirer au canon, firent 280 morts du côté des républicains et 26 du côté des troupes du nouveau dictateur.

Porte St Denis

Fin de notre parcours